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La certification ‘organisation’ WFTO

Analyses
La certification ‘organisation’ WFTO

La dernière enquête d’opinion de la CTB [[highslide](a;a;;;)
Coopération Technique Belge
[/highslide]] sur le commerce équitable en Belgique indiquait une notoriété de 62% pour le label Fairtrade Max Havelaar, comparé à moins de 20% au début des années 2000. Le label a fait de gros efforts marketing pour arriver à une telle progression et rester le principal label du secteur. Il n’est néanmoins plus le seul label équitable, les succès commerciaux ayant éveillé l’intérêt ces dernières années de nombreux autres acteurs privés qui ont créé des labels selon leurs propres standards. Exemples : Fairwild et Fair for Life en 2006 (IMO), Ecocert Equitable en 2007 (Ecocert) ou Naturland Fair en 2009 (Naturland). Point commun de tous ces labels : ce sont des systèmes de certification ‘produit’, c’est-à-dire qu’ils permettent de contrôler directement les conditions de fabrication des produits eux-mêmes. D’autres systèmes existent, notamment les garanties ‘organisation’, dont le principe est de contrôler de manière plus globale l’ensemble des activités d’une organisation. L’objectif de cette analyse est de détailler le principe de fonctionnement de la garantie WFTO (Organisation Mondiale du Commerce Équitable), le principal système de certification de ce type dans le secteur de l’équitable. Nous examinerons notamment quelques avantages et inconvénients de cette garantie par rapport aux labels produits.

Labels produit vs. garanties organisation

Avant cela, il peut être intéressant de préciser en quoi consiste exactement un système de garantie. De manière générale, et comme son nom l’indique, c’est un système qui permet d’offrir des garanties lors d’un échange commercial (dans le contexte présent, principalement des garanties sociales, économiques et/ou environnementales). C’est donc un dispositif d’information ayant pour objectif d’assurer que des faits et des pratiques sont conformes à des valeurs et principes, généralement inscrits dans un cahier des charges ou un référentiel.
Les manières d’offrir de telles garanties sont variées : chartes, normes, standards, systèmes de certification tels que labels ou garanties organisations, etc. L’une des formes les plus usitées est le label produit. La Plate-forme Française pour le Commerce Équitable (PFCE) définit ce dernier comme [[highslide](1;1;;;)
Plate-Forme pour le Commerce Équitable. 2011. Guide des Labels du Commerce Équitable. Étude comparée avec d’autres labels éthiques.
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une marque spéciale, créée par un syndicat professionnel ou un organisme parapublic, dont le logo est apposé sur un produit destiné à la vente, pour en certifier l’origine, la qualité et les conditions de fabrication, en conformité avec des normes préétablies dans un cahier des charges.

Sorte de ‘fenêtre’ ou de ‘loupe’ sur la chaine en amont du produit, ce système donne donc au consommateur des assurances sur la nature responsable de ses achats. Dans le domaine du commerce équitable, ces systèmes de certification, de type Fairtrade Max Havelaar (labellisé par FLO [[highslide](2;2;;;)
Fairtrade Labelling Organisation. Pour rappel, FLO est divisée en trois organismes :

  • FLO International définit les standards et les cahiers des charges par produit et accompagne les producteurs sur le terrain.
  • FLO-Cert assure la gestion du système de certification (contrôle du bon respect des critères auprès des organisations de producteurs, des importateurs et des industriels, agrément des acteurs économiques).
  • Les initiatives nationales comme Max Havelaar Belgium, qui ont pour principal objectif d’assurer les débouchés commerciaux.

[/highslide]]), se concentrent généralement sur la phase de production, dans le domaine alimentaire et selon des critères économiques (ex. paiement d’un prix juste, premium, préfinancement), sociaux (ex. conditions de travail décentes, égalité des genres), environnementaux (ex. interdiction des OGM) et de gouvernance (ex. organisation collective et démocratiques des producteurs) bien spécifiques. La caractéristique principale de cette filière labellisée est que les productions certifiées peuvent être commercialisées dans n’importe quel point de vente, y compris la grande distribution classique.
Une alternative à ces systèmes de certification produits (axées ‘B2C’, c’est-à-dire business to consumers) est la garantie organisation. Son principe est de définir des normes de comportement qu’une organisation applique à l’ensemble de ses activités ou opérations. Davantage axée B2B (business to business), cette approche est aussi plus globale puisqu’elle peut s’appliquer à l’ensemble des organisations produisant, important, et/ou revendant des produits de consommation.

La garantie organisations WFTO

Dans le domaine de l’équitable, la principale garantie de ce type est la garantie de la WFTO [[highslide](c;c;;;)
Créée en 1989, la WFTO compte aujourd’hui plus de 450 membres, dans 75 pays, dont une majorité dans les pays en développement.
[/highslide]], appelée Système de Gestion Durable du Commerce Equitable (en anglais Sustainable Fair Trade Management System – SFTMS). C’est somme toute assez logique puisque la WFTO regroupe et coordonne la quasi-totalité des organisations équitables et ce sur l’ensemble des maillons de la chaîne (producteurs, transformateurs et distributeurs). On parle ici de filière intégrée : mode d’organisation historique du commerce équitable, cette filière présente comme caractéristique principale le fait que tous les acteurs intervenant dans l’élaboration et la commercialisation du produit ont le commerce équitable pour mission essentielle et activité principale et qu’ils associent la commercialisation au militantisme et à la sensibilisation.
Le SFTMS, initié en 2004 en réponse aux demandes de nombreux membres WFTO, est présenté comme [[highslide](2;2;;;)
www.wfto.com
[/highslide]]

un système de certification global, efficace et léger, conçu pour transformer n’importe quelle activité économique en activité durable et équitable.

Son principe est effectivement simple : toute organisation respectant une série de 10 principes génériques (voir encadré) peut apposer le logo WFTO sur l’ensemble de son matériel et de ses publications (lettres, enveloppes, catalogues, brochures, voitures, site web, emails, fenêtres des magasins, etc.), à l’exception notable de ses produits commercialisés. Ainsi, à nouveau, la principale différence avec un label tel que Fairtrade Max Havelaar est que la certification s’applique non au produit lui-même mais à l’ensemble de l’organisation, attestant qu’elle a bien mis en place des pratiques et des procédures de bonne gestion sociale, économique et environnementale dans ses différentes activités.

Les 10 principes du commerce équitable selon WFTO (normes complètes et détaillées sur http://www.wfto.com)

  1. Création d’opportunités pour les producteurs économiquement désavantagés.
  2. Transparence et crédibilité.
  3. Extension de compétences.
  4. Promotion du commerce équitable.
  5. Paiement d’un prix juste.
  6. Egalité des sexes.
  7. Conditions de travail saines et sûres.
  8. Respect du droit des enfants.
  9. Respect de l’environnement.
  10. Relations commerciales durables qui reposent sur la confiance et le respect mutuel.

Spécificités de la garantie WFTO

L’une des conséquences directes de cette différence est le domaine couvert : la garantie WFTO concerne majoritairement l’artisanat, alors que la labellisation Fairtrade couvre elle principalement l’alimentaire. Cette répartition par secteur n’est pas un hasard. La certification sur des critères produits est beaucoup plus facile à réaliser sur les matières premières ou semi-transformées telles que le café, le cacao, le coton ou encore l’or, relativement standardisées. Les produits d’artisanat sont des produits transformés incorporant plusieurs matériaux ou ingrédients, donc nécessairement plus complexes, et changeant qui plus est fréquemment de composition en fonction des saisons et de la mode. Illustration : on ne trouve jamais de label Max Havelaar sur un produit artisanal d’un Magasin du monde-Oxfam [[highslide](d;d;;;)
On le retrouve actuellement sur un seul produit ‘industriel’, les essuies du partenaire indien Rajlakshmi. La certification porte dans ce cas uniquement sur le coton comme matière première (‘Fairtrade certified cotton’), FLO ne certifiant pas l’aval de la chaine, c’est-à-dire la fabrication industrielle.
[/highslide]] mais la majorité de ces produits proviennent d’organisations partenaires certifiées WFTO [[highslide](e;e;;;)
La communication sur ces produits est axée Oxfam et non WFTO, le logo WFTO ne pouvant encore être apposé (néanmoins en cours de changement, voir plus bas).
[/highslide]].
Un autre élément majeur de différenciation entre les deux systèmes concerne le système de contrôle. En contraste avec les audits extérieurs effectués par FLO-Cert [[highslide](f;f;;;)
Cf. note b plus haut.
[/highslide]], le SFTMS repose sur les principes de création, d’adhésion et de surveillance par les membres eux-mêmes. Plus concrètement, il est basé sur l’envoi par chaque membre d’un rapport d’auto-évaluation (en anglais Self-Assessment Report – SAR) tous les 2 ans, afin de démontrer son niveau d’engagement – voulu à 100% – par rapport aux 10 normes WFTO de commerce équitable. Les membres (la plupart des petits producteurs) sont amenés à apporter de la documentation pour appuyer leur auto-évaluation (commandes, rapports annuels, politiques, stratégie, plan d’action). Tous les SAR sont revus par le département de monitoring de WFTO et leur feedback envoyé aux membres, afin de les aider à mieux comprendre les attentes. Afin d’améliorer le niveau de fiabilité, une évaluation par d’autres membres ainsi qu’une vérification externe annuelle est effectuée chaque année. Mais ces contrôles restent limités à 5-10% des membres. Le système reste fondamentalement basé sur la confiance et l’engagement des membres à être ouverts, transparents et responsables envers leurs parties prenantes.

Avantages et inconvénients

Le principal avantage de ce système est son prix. De manière générale, la certification a un coût certain, du fait des audits que doivent régulièrement faire les certificateurs (voyages, salaires, hébergement, etc., à répéter pour les confirmations de certification). Si la garantie organisation n’est pas gratuite, son principe d’auto-évaluation permet de nettement réduire les coûts, et par là même, la discrimination envers les producteurs / travailleurs / organisations de commerce équitable (OCE) les plus marginalisés. Un autre avantage du SFTMS est sa flexibilité : centré sur le processus et les relations mutuelles entre membres, il est beaucoup plus facilement actualisable qu’une série de critères produits. Il donne de plus l’opportunité aux membres de s’améliorer de manière continue. L’inconvénient majeur du SFTMS est sa fiabilité : l’évaluation est basée majoritairement sur l’engagement des membres et non sur la réalité, ce qui diminue sa crédibilité face à des systèmes tels que FLO, globalement plus rigoureux. Enfin, l’absence sur les produits du logo fait que ce dernier est très peu connu du consommateur. La WFTO envisage sur ce point une collaboration plus poussée avec FLO sur les aspects marketing et communicationnels.

SFTMS 2.0

Du fait de ces lacunes, le SFTMS suit actuellement un processus d’actualisation. Le nouveau système, baptisé « Fair Trade (Guarantee) System » (FTS), reste une garantie organisations mais sa fiabilité a été nettement améliorée, principalement sous la pression des membres Nord de la WFTO (soucieux de la crédibilité de leurs importations). Les nouveaux éléments proviennent d’une série de bonnes pratiques s’inspirant notamment des systèmes de contrôle interne des organisations partenaires, des systèmes de garantie participatifs (SGP) de l’agriculture biologique ou encore sur les audits et l’expérience passée de la WFTO.
Résultat, le FTS inclut des indicateurs plus spécifiques sur chaque norme WFTO du commerce équitable. Les outils de vérification de l’engagement ont également été systématisés, et ce sur plusieurs phases. Rapports d’auto-évaluation (« self-assessment »), audits externes (« monitoring audit »), visites des autres membres (« peer visits ») et outil d’introduction de commentaires ou plaintes (« peer / social accountability watch ») ont été combinés pour former un cadre de contrôle le plus cohérent et crédible possibles. Revers de la médaille, le système sera aussi plus… cher, chaque membre devant notamment payer les coûts de l’évaluation externe. Les membres ayant un historique de bonnes performances ne seront par contre plus obligés de se faire certifier aussi fréquemment (l’intervalle pouvant progressivement aller jusqu’à 6 ans entre chaque audit SAR et entre chaque visite par les autres membres [[highslide](g;g;;;)
Les rapports d’auto-évaluation devront néanmoins toujours être envoyés tous les 2 ans.
[/highslide]]), au contraire des membres plus ‘à risque’. Enfin, changement majeur, une fois certifiée équitable, l’organisation membre pourra apposer le logo WFTO sur tous ses produits. Ce changement résulte d’une demande forte de la part des membres Sud de la WFTO, qui considèrent que le marché sera beaucoup plus ouvert une fois la marque WFTO mieux connue des consommateurs [[highslide](3;3;;;)
WFTO. December 2012. Overview and flow document of the new WFTO Guarantee System.
[/highslide]].
Le FTS est en phase de discussion / finalisation mais une phase de test doit commencer début 2013, pour un lancement prévu en mai/juin 2013. Une fois le système rodé, une certification par un organisme extérieur est également prévue (probablement selon une norme du type ISO 65 ou son équivalent européen EN45011, avec la collaboration d’autres organisations de certification du commerce équitable telles que FLO-Cert).

Produire et vendre équitable

Avec cette évolution, la WFTO intègre divers éléments de certification plus conformes aux standards internationaux, tout en essayant de conserver un système démocratique (critères et règlements décidés par les membres) et flexible (possibilités d’évolution pour s’adapter aux besoins et exigences des membres, des consommateurs ou des autres acteurs du commerce équitable). L’exercice, difficile, revient à équilibrer la crédibilité avec l’inclusion, l’accessibilité avec le soutien aux petits producteurs / travailleurs du Sud. Sur un ‘marché’ de la certification équitable de plus en plus saturé et menacé de dilution, la WFTO essaie de conserver sa position de gardienne des principes et pratiques originelles du commerce équitable. Elle communique d’ailleurs en ce sens, notamment sur ses objectifs d’aide au développement et de réduction de la pauvreté dans le Sud, en opposition avec la recherche de profits de certains acteurs de l’équitable. La certification organisationnelle présente de ce point de vue des avantages certains, dont l’un, et non des moindres, est la plus grande facilité de garantie sur l’ensemble de la chaîne de valeur, et notamment son dernier maillon, la commercialisation. C’est là une différence majeure entre la filière intégrée et la filière labellisée. Entre ‘produire et vendre équitable’ et simplement ‘produire équitable’.
Natália Leal
Coordinatrice WFTO-Europe 
Patrick Veillard
Service Positionnement – Expertise – Partenariat (PEP’s)

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Logo WFTO

Trademark de MaxHavelaar (FLO). Label attribué par FLO-CERT
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