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Oxfam-Magasins du monde

Renouvellement des mandats au sein d’une équipe locale

Analyses
Renouvellement des mandats au sein d’une équipe locale

Chantier en construction de la GRH[1. GRH : Gestion Ressources Humaines] bénévole à Oxfam-Magasins du monde
Pour Oxfam-Magasins du monde, la démocratie représentative est un projet qui permet d’être efficace ensemble dans la construction d’une autre société, plus juste.
Démocratie représentative implique la désignation de représentants mandatés à une fonction.[2. Mandat  =  fonction, charge confiée à quelqu’un de faire telle ou telle chose au nom de quelqu’un, d’un groupe : remplir son mandat
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/mandat/49058]
L’organisation s’est dotée d’outils qui balisent son fonctionnement démocratique : fonctions au sein des équipes, mandats (durée, renouvellement), responsabilités de chacun, … Les procédures de désignation ne sont pas balisées.
Cette analyse a pour objectif d’étudier le renouvellement des mandats au sein d’une équipe locale,  de relater une réflexion sur la sociocratie avec un groupe de bénévoles et de proposer des pistes pour assurer que tous les bénévoles (ou une part très importante des bénévoles) participent aux décisions et s’impliquent dans celles-ci.

Eléments de contexte

Il est nécessaire de rappeler le contexte dans lequel évolue le bénévolat proposé par Oxfam-Magasins du monde : valeurs, engagement, démarche collective, vente et sensibilisation.

« Valeurs de référence et axes d’actions : missions d’Oxfam-Magasins du monde

La mission d’Oxfam-Magasins du monde est de combattre les injustices et les inégalités de manière structurelle et globale et de construire un monde de justice socio-économique pour tous. Cette mission, nous la menons à bien sur base de nos valeurs : la justice, la solidarité et la dignité.
Animé par ces valeurs, Oxfam-Magasins du monde est un mouvement de bénévoles qui porte une entreprise d’économie sociale et structure son action autour de :

  • l’éducation permanente avec ses bénévoles, en partant de l’expérience de chacun, apprendre en équipe, sensibiliser et faire vivre les campagnes ;
  • un commerce équitable en partenariat avec des organisations du Sud et du Nord, et une activité de récupération et vente de vêtements de seconde main ;
  • l’interpellation des citoyens, des pouvoirs publics et des entreprises afin de promouvoir des changements nécessaires à un développement durable et solidaire. 

Un engagement au sein d’un mouvement

Oxfam-Magasins du monde est un mouvement de citoyens qui s’engagent, en tant que bénévoles, dans la durée, participent aux décisions et s’organisent en équipes locales pour remplir les missions de l’organisation. Pour réaliser ses objectifs, l’organisation Oxfam-Magasins du monde  met en place une politique de dynamique des bénévoles intégrant : recrutement et accueil des nouveaux, formation, accompagnement et dialogue, évaluation et reconnaissance de l’action collective.

Un engagement au sein d’une équipe

Une équipe « Magasin du monde » est d’abord un groupe de bénévoles qui discute, prend des décisions et coordonne son action ensemble.
Les possibilités concrètes d’engagement sont nombreuses et sont détaillées dans le document « Les fonctions chez Oxfam-Magasins du monde » du plan DDB actuel (Dynamique Des Bénévoles), plan qui sera abordé plus loin. Ces fonctions se situent dans les 3 axes mouvement, commercial et sensibilisation.
Quelles que soient les tâches effectuées, chacun définit son engagement en fonction de ses disponibilités, de ses capacités et de ses goûts; il lui appartient de respecter pleinement son engagement.

Une organisation démocratique

Chaque bénévole a une parcelle de pouvoir. Oxfam-Magasins du monde encourage chacun à participer aux décisions et donner son avis. Oxfam-Magasins du monde propose des rôles de représentation dans le mouvement et de construction de celui-ci. Le bénévole a son mot à dire via les instances du mouvement ; il est appelé d’abord à participer aux assemblées de son équipe ; ensuite s’il est élu, à représenter son équipe à l’assemblée régionale (AR) et/ou à l’assemblée générale (AG) ou encore au conseil d’administration (CA). »[3. Kit d’accueil du candidat bénévole, Oxfam-Magasins du monde, 25 juin 2014]
Notons qu’actuellement, chaque équipe locale a droit à 3 votes à l’AR (non nominatifs). Enfin, le mouvement sollicite les bénévoles pour qu’ils participent à des groupes de réflexions spécifiques tels que les commissions partenaires, finances, mouvement. Ces mandats sont donc relatifs aux instances.
Il est nécessaire de distinguer 2 types de mandats : les mandats relatifs aux instances – mandats locaux (AR/AG), mandats régionaux (de l’AR à l’AG et CA) et mandats dans les commissions – évoqués plus haut et les mandats locaux relatifs aux différentes fonctions existantes au sein d’une équipe locale.

Contextualisation du plan DDB (Dynamique Des Bénévoles)[4.Dynamique des bénévoles, le plan, Oxfam-Magasins du monde, 22 octobre 2011.]

Avant  l’existence d’un plan DDB à savoir avant fin 2011, il n’y avait pas de règles encadrant les mandats locaux, les mandats relatifs aux instances sont régis par les statuts. L’organisation ne proposait pas d’organiser formellement la désignation des bénévoles chargés d’exercer les responsabilités au sein des équipes. Les désignations s’opéraient au cas par cas en fonction des motivations individuelles et propositions des uns et des autres, ce qui pouvait engendrer tensions et désaccords au sein des équipes.
Pour répondre aux besoins du mouvement et aux conclusions d’une enquête sur les motivations et attentes des bénévoles[5. Profils, motivations et attentes des bénévoles  – Grande enquête 2010 Oxfam-Magasins du monde menée avec SONECOM-sprl], un plan DDB (Dynamique Des bénévoles) a été élaboré. Une commission éphémère DDB, composée d’une douzaine de bénévoles et de 2 salariés, s’est réunie pendant un an pour discuter et construire ce plan. Ses différentes propositions ont été présentées et discutées en équipes bénévoles de février à juin 2011. Après plusieurs allers-retours en AR, le plan a été voté à l’AG d’octobre 2011[6. 2/3 des équipes se sont investies dans la démarche ; Le plan Dynamique des bénévoles, Oxfam-Magasins du monde, octobre 2011].
L’objectif de ce plan était de construire un socle commun sur lequel chaque équipe peut élaborer son mode de fonctionnement en fonction de sa réalité et de ses compétences locales, et ainsi construire son autonomie sans pour autant imposer un modèle rigide. Avec ce plan, l’organisation voulait  renforcer le projet collectif, mettre la bonne personne à la bonne place, mieux répondre aux objectifs des 3 axes (mouvement, commerce, sensibilisation), mieux recruter pour permettre à l’équipe de s’ouvrir vers de nouvelles pistes et permettre à chacun d’accomplir un bénévolat épanouissant. Ce plan devait et doit toujours servir de référence aux équipes locales, il propose une série d’objectifs à atteindre dans les domaines relatifs au cycle du bénévolat (processus accueil, formation, évaluation, reconnaissance) mais aussi au fonctionnement démocratique. Il doit permettre d’étoffer les équipes et à chacun d’utiliser ses compétences dans le groupe.  L’organisation voulait atteindre ses objectifs progressivement et a estimé qu’il faudrait de 3 à 4 ans pour que le plan soit approprié et mis en œuvre par  les équipes.
Après 4 ans d’existence, il est important d’évaluer le plan (sa mise en œuvre, son application et son contenu) pour le faire évoluer. Ce travail, réalisé par la commission mouvement, est en cours. D’autres chantiers, menés en parallèle, doivent être également pris en compte : renouvellement du bénévolat, nouveaux partenariats, suivi de l’enquête externe sur le bénévolat[7. BIDEE J., GRIEP Y. ; Oxfam-Magasins du monde : Rapport sur l’enquête de satisfaction ; VUB, mai 2015] et mise en œuvre du plan stratégique Oxfam- Magasins du monde 2020[8. http://www.oxfammagasinsdumonde.be/a-propos/].

Cadre de l’analyse

Cette analyse se focalisera sur le renouvellement des mandats au sein d’une équipe locale (désignations locales) dans le but de soutenir le travail d’évaluation en cours.
Deux changements majeurs  du plan DDB étaient :

  • une description des fonctions plus précises structurées autour des 3 missions (mouvement, commerce, sensibilisation). Dans le plan, certaines fonctions ne sont pas soumises à mandats mais sur le terrain force est de constater qu’elles le sont généralement.
  • une limitation à 2 ans, renouvelable plusieurs fois, des  mandats pour les responsables de secteur.

Nous  analyserons:

  • le renouvellement des mandats de façon générale en incluant le renouvellement pour toutes les fonctions du plan quelles qu’elles soient, soumises à mandats ou non
  • la manière dont se déroule ou devrait se dérouler (pour rencontrer nos objectifs démocratiques) ce renouvellement des mandats au sein des équipes locales et cela en se posant la question de l’utilisation d’outils de la sociocratie.

Difficultés rencontrées par l’organisation et les équipes

Au niveau institutionnel, l’organisation, conformément à ses statuts, prévoit un renouvellement des mandats relatifs aux instances (AR, AG, CA, Commissions) tous les 2 ans.
A chaque renouvellement, nous constatons des difficultés à impliquer des bénévoles à prendre des responsabilités. Une grande majorité de responsabilités  sont souvent assurées par des bénévoles qui réitèrent leur mandat depuis de nombreuses années avec parfois un épuisement de ceux-ci pouvant amener une fragilisation des équipes. Nous constatons aussi que certains responsables montrent des résistances à laisser de la place, leur place, à d’autres.
Autres difficultés rencontrées :

  • Peu de déclaration claire de mandataires actuels de laisser place à d’autres. Et quand il y a intention de ne pas se représenter pour tel ou tel poste, elle est peu suivie de l’action.
  • Malaise des bénévoles de forcer les mandataires à ne pas se représenter  ou à ne pas pouvoir se représenter pour un  énième mandat dépassant la  durée limitée.
  • Crainte des anciens de confier une responsabilité à des nouveaux ou /et des bénévoles qu’ils considèrent comme nouveaux dans  la dite responsabilité.
  • Le parrainage du nouveau dans une fonction demande de l’investissement en temps  de l’ancien.
  • Comment présenter un mandat en se détachant des manières de faire du mandataire actuel ?
  • Comment mettre un « un stop » à un ancien mandataire ? Quel rôle des coordinatrices régionales quand  des bénévoles n’osent pas le faire ?
  • La résistance au changement, vouloir le statu quo par aversion à l’incertitude.

Pour répondre à ces difficultés, le plan DDB prévoit pour certaines fonctions de responsables  un nombre limité de mandats dans le temps contrairement aux mandats de représentants AR et AG dont la durée est limitée mais renouvelable. A ce jour, aucun dispositif ne permet d’assurer le suivi des balises que nous nous sommes fixées.
Un outil d’évaluation appelé IVE Indice Vie d’Equipe [9. Outil «  Indice Vie d’Equipe », Oxfam-Magasins du monde, 2012] a été créé en 2012 (au moment du début de l’implémentation du plan DDB). Il permet d’évaluer une équipe par rapport à la mise en œuvre du plan DDB et par rapport à l’impact d’une équipe dans son environnement local.
Il est utilisable en équipe locale ET par l’organisation Oxfam-Magasins du monde  (même outil, même références); dégage des tendances générales pour savoir où se situent l’ensemble des équipes locales, permet facilement de voir les évolutions au fil du temps et de visualiser des objectifs à se fixer. L’item « Structuration de l’équipe » indique si des responsables sont élus avec un mandat clair et déterminé dans le temps mais ne permet pas de repérer les renouvellements ou pas des responsables des fonctions décrites dans le plan.
Les équipes ne renouvellent pas leurs mandats au même moment de l’année. Certaines équipes organisent le renouvellement chaque année.
L’organisation propose des règles  de désignation des mandataires dans les instances[10. Article instances « Qui s’engage au pilotage de notre mouvement ? », Oxfam-Magasins du monde – Oxmag septembre 2014  et note interne Oxfam-Magasins du monde «  Principe et procédure pour les représentants à  l’AG », octobre 2014] mais ne propose pas de méthodologie pour identifier et solliciter des candidats et faciliter le renouvellement des mandats désignés par les équipes locales.
Certaines équipes procèdent par appel et dépôt de candidatures et, selon et suite aux résultats, avalisent ou pas l’attribution des différentes responsabilités-fonctions et ce, avec ou sans bulletins de vote. D’autres le font de manière informelle (sans appel et dépôt de candidatures et sans bulletin de vote) en assemblée locale  après avoir mis le point « renouvellement des mandats » à l’ordre du jour de leur réunion. Force est de constater qu’à ce jour, ces manières de procéder  n’aboutissent pas et ne forcent pas à un réel renouvellement des mandats.
Il semble dès lors important, que l’organisation puisse proposer aux équipes une ou des méthodologie(s) pour faciliter le renouvellement de tous les mandats c’est- à-dire  pour l’ensemble des fonctions identifiées  dans le plan DDB.

Revoir nos pratiques de renouvellement ? Se nourrir de la sociocratie ?

Les constats décrits ci-dessus (renouvellement pas toujours réel et méthodes de désignation disparates et surtout sujettes à caution), nous pousse à nous poser la question de la nécessité de revoir nos pratiques de renouvellement des mandats. Il nous semble intéressant de voir si la sociocratie ne pourrait pas alimenter notre réflexion.
« À la fin des années 1960, Gerard Endenburg, un ingénieur hollandais qui dirigeait une société d’électrotechnique, a voulu diriger son entreprise de manière humaine, tout en conservant, voire développant, son efficacité et sa compétitivité. En se basant sur les idées du pédagogue Kees Boeke, son compatriote et son contemporain, et en y intégrant ses connaissances en théorie des systèmes, en cybernétique et en biofeedback , Gerard Endenburg a créé, au début des années 1970, un nouveau style de gouvernance qu’il a appelé sociocratie , un mot créé par le philosophe français Auguste Comte. »[11. www.sociocratie.net] « Ce terme signifie littéralement  la gouvernance du « socios » c’est-à-dire des personnes qui entretiennent des relations significatives entre eux. La démocratie, en comparaison, c’est la gouvernance du « demos », la masse des gens qui n’ont pas grand-chose en commun en dehors de certaines valeurs de base. L’autocratie quant à elle c’est la gouvernance d’une seule personne : « auto » »[12. CC BY-SA université-du-nous].
« La sociocratie est un mode de gouvernance qui permet à une organisation, quelle que soit sa taille  -d’une famille à un pays-, de se comporter comme un organisme vivant, de s’auto-organiser. Son fondement moderne est issu des théories systémiques. L’objectif premier est de développer la co-responsabilisation des acteurs et de mettre le pouvoir de l’intelligence collective au service du succès de l’organisation. »[13. CC BY-SA université-du-nous]
« Même si elle comporte d’autres aspects importants (transparence totale, définition de vision, missions et objectifs, rémunération juste du capital et du travail), la sociocratie est caractérisée par quatre règles fondamentales.

Les quatre règles de la sociocratie

Bien qu’elle soit fondée sur des principes scientifiques complexes et que sa mise en œuvre soit subtile, la sociocratie utilise des règles de fonctionnement suffisamment simples pour qu’elles soient comprises par tous, indépendamment de l’âge, du niveau d’éducation, de l’origine sociale ou culturelle, etc. : ainsi elle a pu être utilisée avec la même efficacité par des cadres d’entreprise de haute technologie, des enfants dans des écoles hollandaises, des villageois dans des parlements de voisinage en Inde, etc.

  • Le consentement

En sociocratie, une décision est prise par consentement s’il n’y a aucune objection importante et argumentée qui lui est opposée.Toutes les décisions ne sont pas forcément prises par consentement, notamment pour la gestion courante des affaires. Cependant, il est décidé par consentement quelles décisions peuvent échapper à la règle, comment et par qui elles sont prises et pour quelle durée il est possible de procéder autrement que par consentement. »[14. www.sociocratie.net]
« Qu’est-ce qu’une bonne décision ? Celle qui tient compte des tolérances de ceux et celles qui vont vivre avec cette décision »[15.www.sociogest.ca], « décision qui respecte donc les limites du groupe qui vivra les conséquences de cette décision »[16. CC BY-SA université-du-nous].

  • Les cercles

La structure de décision de l’organisation est parallèle à sa structure fonctionnelle. À chaque élément de celle-ci correspond un cercle. Les cercles sont connectés entre eux et organisent leur fonctionnement en utilisant la règle du consentement. Tous les membres de l’organisation appartiennent à au moins un cercle. Chaque cercle est notamment responsable de la définition de sa mission, sa vision et ses objectifs, de l’organisation de son fonctionnement et de la mise en œuvre des objectifs définis par le cercle de niveau supérieur.

  • Le double lien

Un cercle est relié au cercle de niveau immédiatement supérieur par deux personnes distinctes qui participent pleinement aux deux cercles. L’une est élue par le cercle et le représente ; l’autre est désignée par le cercle de niveau supérieur et est le leader fonctionnel du cercle.

  • L’élection sans candidat

Quand il s’agit de choisir une personne pour occuper une fonction, un cercle sociocratique procède à une discussion ouverte et argumentée aboutissant à une nomination par consentement. L’absence de candidat garantit qu’il n’y a pas de perdant, et le consentement que chacun est convaincu que le meilleur choix possible a été fait. »[17. www.sociocratie.net] Ce dernier point, l’élection sans candidat, semble particulièrement intéressant dans le cadre de cette analyse et sera abordé plus loin.

Expérimentation d’un outil : le « Pro Action Café »

« L’objectif premier de la sociocratie étant de développer la co-responsabilisation des acteurs et de mettre le pouvoir de l’intelligence collective au service du succès de l’organisation »[18. CC BY-SA université-du-nous], dans le cadre d’une très récente formation vie d’équipe sur « Echanger sur le suivi du plan DDB » avec 18 bénévoles issus de cellules DDB [19. Cellule DDB (Dynamique Des Bénévoles), cellule composée de 2, 3 personnes qui ont en charge  les étapes du cycle du bénévolat dans une équipe : voir plan DDB] provenant de plusieurs équipes Oxfam-Magasins du monde de Wallonie-Bruxelles, les formatrices Oxfam-Magasins du monde ont  voulu tester des outils d’intelligence collective dont notamment le « Pro Action Café ».
« Le Pro Action Café est un espace de conversation créative et inspirante où les participants sont invités à apporter leurs projets / idées / questions / connaissances / expériences, ou tout ce qui les inspire. Le concept original du Pro Action Café est un mélange des techniques du Word Café et du Forum Ouvert. Il a été décrit comme un processus de conversation basé sur un ensemble de principes intégrés qui révèlent un mode de fonctionnement vivant et plus profond au travers duquel nous faisons co-évoluer notre futur collectif »[20. www.aohmontreal.org/wp-content/uploads/2013/01/AoH-2012-francais.pdf]. L’objectif de celui-ci dans ce cas-ci était de stimuler une réflexion novatrice et d’analyser et proposer des pistes d’action concernant des problématiques du plan DDB  avec,  pour l’analyse qui nous occupe,  la question suivante posée aux participants: Dans le cadre du renouvellement des mandats, comment impliquer des bénévoles à prendre des responsabilités au sein de l’équipe ?
De cette expérience, les pistes et plans d’action ont été proposés et des questions restent posées :

  • présenter les possibilités de bénévolat lors de l’accueil, informer
  • modifier le mot « responsable » qui fait peur (cellule, …..)
  • ouvrir le groupe de coordination, envoyer l’ordre du jour des réunions aux autres membres
  • organiser le parrainage du nouveau bénévole pendant un certain temps
  • faire assurer chaque mandat par plusieurs bénévoles pour diminuer les appréhensions, déléguer et subdiviser les équipes (par exemple pour un mandat « artisanat »), partager les responsabilités sans empiéter sur les responsabilités des autres, inciter les responsables à « lâcher du lest »
  • insister sur le fait que les mandats sont accessibles à tous, les proposer aux bénévoles et encourager ceux-ci, rappeler par mail les différentes fonctions à tous
  • présenter les mandats d’une façon attirante et sympathique
  • demander en assemblée locale : «  Qu’imagineriez-vous pour ce poste ? »
  • accompagner les « responsables » pendant l’année
  • oser les manques, oser laisser les places vacantes
  • consacrer du temps au processus
  • faire du renouvellement des mandats un moment privilégié et convivial
  • Que faire quand il n’y a pas de candidat ?
  • Election sans candidats ?
  • Rôle des coordinatrices régionales (sous-entendu de l’organisation) ?

Election sans candidat

Parmi les actions proposées, l’élection sans candidat, un outil de la sociocratie. Est-elle applicable à notre organisation ?
« L’élection sans candidat fait l’objet, comme la prise de décision, d’un processus rigoureux en plusieurs étapes. L’élection sans candidat est aussi une façon de créer du lien, de mettre à jour certains conflits larvés, de soutenir et d’encourager un participant à prendre sa place au sein du cercle et de nourrir notre besoin de reconnaissance.
Dans une  élection sans candidat, nous votons « Avec » et pas « Pour ou Contre ». « Moi » je dis qui je suis, « Je choisis » pour qui je vote.

Le processus est le suivant :

1/ Définir le poste ou la fonction : C’est la fiche de poste. Quelles sont les responsabilités afférentes à cette responsabilité ?
2/ Lister les qualités attendues par le cercle : Quelles sont les qualités requises et attendues par le groupe pour la fonction en question ?
3/ Définir le mandat : La personne est élue pour combien de temps, dans quelles conditions ?
4/ Distribuer les bulletins aux participants
5/ Chacun note son nom et pour qui il vote : La personne peut voter pour elle.
6/ Le dépouillement : L’animateur-trice récupère les bulletins et lit à haute voix les résultats en demandant à chaque personne les raisons de son choix. Le secrétaire note au tableau les noms sortants et le nombre de voix obtenues par chacun.
7/ Le report de voix : L’animateur-trice demande si quelqu’un veut faire un report de voix, c’est-à-dire changer son vote pour une autre personne sortante. La personne argumente son réajustement.
8/ Le choix : L’animateur-trice demande si quelqu’un veut faire une proposition. C’est-à-dire choisir un des noms notés sur le tableau. Ce n’est pas forcément la personne ayant fait le meilleur score qui peut être choisie en premier.
9/ Les objections : L’animateur-trice demande à chacun s’il a une objection pour que la personne choisie occupe la fonction.
10/ S’il y a des objections : L’animateur-trice demande un autre choix par une autre personne. L’animateur-trice peut aussi faire le choix de demander de dire et d’argumenter les objections. Si c’est le cas, le groupe peut se mettre en bonification pour lever les objections.
11/ Quand un candidat ne fait état d’aucune objection : L’animateur-trice interroge l’éventuel élu pour savoir s’il est d’accord pour occuper le poste. Si la personne est d’accord, elle est élue. Si elle objecte et de façon argumentée, retour au point n°10 ;
12/ Célébration : Bravo ! »[21. CC BY-SA université-du-nous]
Pour que ce processus soit applicable dans le cas d’un renouvellement des mandats au sein d’une équipe Oxfam-Magasins du monde, plusieurs conditions  semblent  nécessaires :

  • un lieu adéquat en fonction du nombre de participants avec assez d’espace pour être à l’aise en cercle
  • une taille de l’équipe qui ne soit ni trop grande (risque de difficultés de gestion du groupe, risque d’alourdir le processus et d’allonger le temps de la réunion de renouvellement), ni trop petite (besoin d’un nombre minimum de personnes en fonction du nombre important de mandats à renouveler)
  • l’implication de tous les membres de l’équipe, qu’ils soient tous acteurs de ce moment de renouvellement ce qui suppose une responsabilisation de la part de chacun(e) en ayant conscience des enjeux de l’organisation
  • la connaissance et la confiance mutuelles entre les participants
  • des objectifs et valeurs communs : sens du bénévolat des participants à Oxfam-Magasins du monde, pourquoi sont-ils là ?
  • une expérience de l’animateur pour assurer toutes les étapes du processus et gérer le groupe mais aussi des participants non habitués à cette façon de fonctionner

« Si elle réussit, l’élection sans candidat apporte à la personne qui a été nommée le support de l’ensemble de son cercle, de l’ensemble de son groupe. Cela lui donne un leadership fort et une capacité à prendre des décisions en étant soutenu et accompagné par l’ensemble des membres de son cercle et cela permet à chacun d’utiliser pleinement ses compétences dans le groupe.

Conditions pour que la sociocratie fonctionne bien

1/ Implication forte de la direction de l’organisation : C’est elle qui amorce la mise en place, c’est elle qui en est le moteur en promouvant notamment la règle du consentement
2/ Apprentissage du modèle : La sociocratie ne se contente pas d’une théorie avec 4 règles, il y a un certain nombre de processus et protocoles qui sont parfaitement définis et qui garantissent le fonctionnement. Ces protocoles doivent être appris par les membres de l’organisation et notamment par les facilitateurs des cercles. La sociocratie constitue un changement important du fonctionnement des individus dans l’organisation. Il peut y avoir des difficultés mais la sociocratie est accueillie avec enthousiasme. Un accompagnement peut être nécessaire pour apprendre à l’utiliser et pour aider les personnes qui pourraient être déstabilisées émotionnellement par ce changement. Elle donne la possibilité d’être écouté, d’être réellement pris en compte, de passer d’une simple exécution de tâches à une contribution forte à l’organisation et  à la société, c’est quelque chose qui mobilise profondément les gens.
3/Patience et bienveillance mutuelles : Le changement est important, les anciennes habitudes peuvent ressurgir parfois. Il s’agit d’accepter que cela aille mieux , de considérer que c’est normal et simplement de reprendre le processus et le protocole. »[22. www.sociocratie.net]

Conclusions -Perspectives

Les bénévoles s’engagent à Oxfam-Magasins du monde avec des motivations et attentes différentes[23. BIDEE J., GRIEP Y. ; Oxfam-Magasins du monde : Rapport sur l’enquête de satisfaction ; VUB, mai 2015] et avec des objectifs différents. Quelles que soient les tâches effectuées, chacun définit son engagement en fonction de ses disponibilités, de ses capacités et de ses goûts; il lui appartient de respecter pleinement son engagement.
Pour exercer leur bénévolat, les bénévoles partagent des valeurs communes aux valeurs de l’organisation Oxfam-Magasins du monde (solidarité, justice, dignité) mais ces valeurs sont-elles suffisantes pour remplir la mission d’Oxfam-Magasins du monde et agir  pour un monde meilleur ?
A la question posée dans l’exercice d’intelligence collective « Pro Action Café » : « Dans le cadre du renouvellement des mandats, comment impliquer des bénévoles à prendre des responsabilités au sein de l’équipe ? »,  des pistes d’action ont émergé et pourraient être proposées et partagées prochainement dans les équipes. Pour ce faire, une condition indispensable est la participation d’un maximum de bénévoles  aux assemblées locales, ce qui n’est pas toujours le cas.
Quant à l’élection sans candidat, elle pourrait  permettre à chacun d’utiliser ses compétences dans le groupe mais requiert une série de conditions nécessaires pour la réussir (voir plus haut). Les équipes actuelles seraient-elles prêtes à  s’engager dans ce processus qui nécessite un changement important dans l’engagement des bénévoles et le fonctionnement des équipes ? Un travail préalable sur l’accueil des nouveaux et la remotivation des bénévoles actuels mais sans doute également sur le recrutement de personnes dont les profils permettraient de mieux remplir la mission d’Oxfam-Magasins du monde semble nécessaire. Un travail pour une meilleure connaissance entre bénévoles d’une même équipe semble également nécessaire avant de mettre en œuvre cette pratique. Néanmoins, cette expérience pourrait être testée avec certaines équipes désireuses de faire autrement pour renouveler leurs mandats, améliorer leur fonctionnement et construire leur autonomie. Elle pourrait permettre également de mieux faire prendre conscience des enjeux de l’organisation.
La question du rôle du/de la coordinateur/trice régional(e) pour accompagner ce processus se pose car celui/celle-ci pourrait faciliter la mise en œuvre de l’élection sans candidat au sein des équipes s’il y a en parallèle une volonté de l’organisation à soutenir ce genre de pratique mais aussi une volonté des équipes à y participer.
Oxfam-Magasins du monde encourage chacun à participer aux décisions et donner son avis en partant du principe que la démocratie représentative est un projet pour être efficace ensemble dans la construction d’une autre société, plus juste mais  Oxfam-Magasins du monde en tant qu’entreprise d’économie sociale pourrait peut-être aussi plus se nourrir d’éléments de sociocratie en expérimentant certains outils d’intelligence collective.
Christine Rousseau
Coordinatrice régionale
Service Mobilisation des Adultes

Bibliographie

  • Kit d’accueil du candidat bénévole, Oxfam-Magasins du monde, 25 juin 2014
  • Dynamique des bénévoles, le plan, Oxfam-Magasins du monde, 22 octobre 2011
  • Profils, motivations et attentes des bénévoles – Grande enquête 2010 Oxfam-Magasins du monde menée avec  SONECOM-sprl
  • BIDEE J., GRIEP Y. ; Oxfam-Magasins du monde : Rapport sur l’enquête de satisfaction ; VUB, mai 2015
  • Plan stratégique Oxfam 2020 : http://www.oxfammagasinsdumonde.be/a-propos/
  • Outil «  Indice Vie d’Equipe », Oxfam-Magasins du monde, 2012
  • Article instances « Qui s’engage au pilotage de notre mouvement ? », Oxfam-Magasins du monde – Oxmag septembre 2014 et note interne Oxfam-Magasins du monde «  Principe et procédure pour les représentants à  l’AG », octobre 2014
  • sociocratie.net
  • LA SOCIOCRATIE : Les forces créatives de l’auto-organisation par JOHN A. BUCK et GERARD ENDENBURG Texte révisé en 2004 .Traduction française GILLES CHAREST
  • CC BY-SA université-du-nous
  • sociogest.ca
  • Outil d’intelligence collective « Pro Action Café » : www.aohmontreal.org/wp-content/uploads/2013/01/AoH-2012-francais.pdf